Accueil > Le projet Tonnerrois > De la démocratie... > « La convention citoyenne pour le climat est profondément monarchique »

« La convention citoyenne pour le climat est profondément monarchique »

mercredi 5 février 2020, par Association ARPENT

La convention citoyenne pour le climat n’a pas d’existence juridique, explique l’avocat Arnaud Gossement. Choix des membres, rôle des garants, objectivité de l’information environnementale, force de loi des décisions… tout dépend de la volonté présidentielle. Pendant ce temps, les instruments de la démocratie environnementale sont affaiblis par le gouvernement.

Reporterre — Dans une série de tweets, dimanche 12 janvier, vous avez émis de nombreuses critiques à l’encontre de la convention citoyenne pour le climat. Pourquoi vous a-t-il paru nécessaire de prendre position ?

Je voudrais d’abord préciser plusieurs choses. Je critique le cadre que constitue la convention citoyenne pour le climat (CCC) et non la sincérité ou l’investissement des personnes qui y travaillent, que cela soit les 150 citoyens ou les membres du comité de gouvernance. J’ai une analyse de juriste et non de militant politique ou d’opposant à Emmanuel Macron.

Je constate simplement que cette nouvelle institution est une régression par rapport au droit existant. Elle ne respecte pas le « principe de participation du public », pourtant inscrit dans la Constitution, via l’article 7 de la Charte de l’environnement. En réalité, la convention citoyenne pour le climat n’a aucune existence juridique. Aucun juge ne peut être saisi. Ses membres ont moins de droits que les participants à une enquête publique sur un poulailler industriel !

Ses organisateurs disent que ce n’est pas grave, que la convention s’inscrit avant tout dans un cadre « informel » et « expérimental ». Je trouve cet argument fallacieux. La convention citoyenne n’est pas seulement une expérimentation. En proposant des mesures législatives, elle va produire de la norme, modifier le droit. Or, on ne peut pas avoir comme projet de faire progresser le droit de l’environnement en le violant ou en le tenant à l’écart ! Si on laisse faire, demain, l’État pourra s’affranchir des règles et du droit en prétextant que le cadre de ces innovations est juste informel. C’est très grave.

J’ai aussi été choqué par l’unanimisme des articles de presse qui insistent sur le risque pris par Emmanuel Macron. Il y a une forme de personnification des enjeux. La question n’est pas de savoir si le chef de l’État a tort ou raison mais si cette convention constitue oui ou non un progrès pour la démocratie environnementale.

En quoi, le principe de participation du public n’est-il pas respecté ?

Depuis des années, ce principe a été appliqué par des juges et consacré par de nombreux textes tant au niveau national qu’international avec notamment la Convention d’Aarhus en 1998.

Je m’étonne qu’au sein de la CCC, aucun de ces critères ne soit respecté. Le premier critère exige, normalement, de ne pas limiter le nombre de personnes qui ont le droit de s’exprimer. Or là, on le réduit à 150. On m’objectera que tous les autres pourront s’exprimer par internet mais c’est une fausse réponse car le principe de participation exige que toutes les personnes qui le souhaitent puissent s’exprimer au même niveau. Dans n’importe quelle enquête publique, tous les citoyens doivent avoir accès, de la même manière, au registre du commissaire-enquêteur pour formuler leurs observations.

Cette consultation est donc exclusive. Mais pire, elle écarte les citoyens pour un motif qui relève du mythe : le tirage au sort. En réalité, les 150 citoyens ont été sélectionnés par un institut de sondage Harris Interactive [le même que le pour le « grand débat »]. La méthode de sélection reste opaque et n’a pas été débattue largement. Pourquoi 150 et pas 50, 175 ou 2.000 citoyens ? Sur quels fondements ? Ils disent qu’ils ont repris les critères de représentativité de l’Insee [Institut national de la statistique et des études économiques] mais lesquels ? Tous ? Certains ? Comment ont-ils été appliqués ? Et surtout pourquoi recourir à un institut de sondage plutôt qu’à une organisation ouverte, pluraliste et transparente où on aurait débattu de la méthode ?

Il y a un manque d’information sur le sujet. C’est un hold-up méthodologique qui permet d’entretenir les illusions du tirage au sort : on croit bêtement que les personnes ont été choisies par hasard sur les 60 millions d’habitants. Mais c’est faux. Et je ne suis pas le seul à m’en émouvoir. Jacques Testart et l’association Sciences citoyennes ont aussi émis des critiques. Sans débat sur la méthode de sélection des citoyens, cette « innovation démocratique » commence en réalité par un déni de démocratie.


Voir en ligne : lire l’article

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)