Sur la route des crêtes serpentant les ballons des Vosges, une épareuse taille les branches d’arbres qui ont empiété sur le bitume. Au-delà des sapins plongeant dans le vallon, on aperçoit la ville de Sélestat, qui conserve la plus ancienne trace écrite du terme « sapin de Noël », mention datée de 1521. Du massif jusqu’à la plaine d’Alsace, c’est une terre où le sapin est roi.
En amont de la route, derrière des conifères sombres et élancés, Didier Paillereau accompagne un acheteur d’arbres sur un chemin caillouteux. Les feuillages persistants, suspendus à la canopée, assombrissent l’horizon tels la voûte d’une cathédrale. À l’approche des deux hommes, deux chevreuils traversent précipitamment le chemin. Le sol est recouvert de feuilles rougies, d’aiguilles, de branchages fouillis envahis par la mousse. Un sentiment de chaos imprègne les lieux. Il s’agit bien d’une forêt, et elle est exploitée. « Cette forêt appartient à une famille depuis le XVIIIe siècle, explique Didier, expert forestier chargé de son exploitation. Il y a principalement des sapins, des épicéas et des hêtres. Le grand-père était un conservateur des Eaux et forêts [l’ancêtre de l’ONF, NDLR]. Il a ramené des graines de douglas d’Amérique et les a semées ici. C’est sans doute l’une des plus vieilles forêts de douglas de France. »