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Le principal ennemi du pouvoir, c’est la vie et son insolente liberté

mercredi 12 mai 2021, par Association ARPENT

En cette période de pandémie, les gouvernants ont fait des citoyens des « êtres apeurés par la mort au point de renoncer à la vie », écrit dans cette tribune Raoul Vaneigem. L’écrivain en appelle au « retour du vivant, à l’unité du moi et du monde ».

Le crime contre l’humanité est l’acte fondateur d’un système économique qui exploite l’homme et la nature. Le cours millénaire et sanglant de notre histoire le confirme. Après avoir atteint des sommets avec le nazisme et le stalinisme, la barbarie a recouvré ses falbalas démocratiques. De nos jours, elle stagne et, refluant comme un ressac dans une passe sans issue, elle se répète sous une forme parodique.

C’est ce ressassement caricatural que les gestionnaires du présent s’emploient à mettre en scène. On les voit nous convier benoîtement au spectacle d’un délabrement universel où s’entremêlent goulag sanitaire, chasse à l’étranger, mise à mort des vieux et des inutiles, destruction des espèces, étouffement des consciences, temps militarisé du couvre-feu, fabrique de l’ignorance, exhortation au sacrifice, au puritanisme, à la délation, à la culpabilisation.

L’incompétence des scénaristes attitrés ne diminue en rien l’attrait des foules pour la malédiction contemplative du désastre. Au contraire ! Des millions de créatures rentrent docilement à la niche où elles se recroquevillent jusqu’à devenir l’ombre d’elles-mêmes.

Les gestionnaires du profit sont arrivés à ce résultat auquel seule une réification absolue aurait pu prétendre : ils ont fait de nous des êtres apeurés par la mort au point de renoncer à la vie.
La propagation d’une mentalité carcérale

Au nom du mensonge que la propagande appelle vérité, on laisse un traitement politique et policier se substituer au traitement sanitaire que requiert le simple souci du bien commun. Nul n’est dupe du tour de passe-passe : les gouvernants dissimulent et cautionnent ainsi la mise à mal des hôpitaux publics à laquelle la cupidité les enjoint de recourir.

Colère et indignation n’ont pas fait varier la pression étatique, qui expérimente le degré d’abjection auquel la servilité des populations peut tomber sans se rompre. Les misérables au pouvoir se moquent bien de quelques coups de gueule corporatistes et syndicaux. L’insulte et l’exécration ne sont-elles pas une façon de les reconnaître, sinon de leur faire allégeance ?

Tandis qu’analystes et sociologues débattent du capitalisme, les ubuesques mafias du profit et leurs palotins étatiques poursuivent en toute légalité la mise à mort rentabilisée du vivant. En attendant la prochaine alerte épidémique, les petits fours de l’hédonisme sont servis à ceux qui ont pris le risque de se faire vacciner avec des produits dont l’efficacité qu’on leur prête, à tort ou à raison, s’inscrit dans le contexte d’une économie où la cotation boursière et les bénéfices concurrentiels ont un rôle prédominant. Louons les citoyens qui sont entrés courageusement dans la lice des lessives émérites, où un blanc lave plus blanc que l’autre. Il est vrai que n’avoir pas peur n’a pas le même sens selon qu’à longueur d’incarcération les populations acceptent de s’exposer à des radiations et à des poisons qui les tuent. Ou si, au contraire, elles s’insurgent contre les nuisances, les éradiquent et passent outre aux décrets qui les légalisent.

La pensée du pouvoir est une pensée morte, elle vole au ras des tombes. Son odeur de charogne est l’odeur de l’argent. Elle nous suffoquera tant que nous la combattrons dans ses cimetières au lieu d’édifier des lieux de vie et d’y entretenir une guérilla avec des armes qui ne tuent pas — et dont, en conséquence, nos ennemis ignorent la portée. Comment tolérer plus longtemps que la peur de mourir d’un virus nous empêche de vivre ?


Voir en ligne : la tribune complète

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