« Mon cep qui grille, comment je le mets à l’ombre ? » Benoît Valery a l’art de poser lui-même les questions. Installé depuis dix ans sur quarante hectares au pied du massif des Corbières, il est le dernier vigneron du village de Treilles, dont il est conseiller municipal. Une décennie suffisante pour constater les effets concrets du changement climatique sur ses parcelles. En 2019, pendant la sécheresse, « la vigne a eu trop de soleil, même les plants les plus résistants ne tenaient plus, je fais quoi ? » Pas question pour lui d’irriguer, « on se trompe en misant là-dessus. L’eau, c’est l’or de demain ». Pragmatique, il s’est converti au bio et expérimente le couvert végétal dans la vigne, malgré « les railleries des collègues qui trouvent que ça fait sale ». Il s’intéresse même à l’agroforesterie. « Il y a un siècle, on faisait pousser des abricots au-dessus des vignes, alors pourquoi pas ? »
Mais le projet du moment de l’entrepreneur c’est le « vitivoltaïque ». Sur une parcelle de 4,5 hectares tout juste replantée, il envisage d’installer un treillis de panneaux photovoltaïques en surplomb de ses jeunes vignes. Difficile de parler vraiment d’« agrivoltaïsme », car il n’existe pas encore de définition légale de cette technique. Selon la définition proposée par une « mission flash » de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, il s’agirait de la « coexistence d’une production électrique significative et d’une production agricole elle-aussi significative, sur une même emprise foncière ».
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Ce flou entretient la confusion. « On est d’accord que par le passé, certains ont fait n’importe quoi », admet le vigneron. « N’importe quoi », ce sont par exemple ces serres photovoltaïques à moitié vides dans les Pyrénées Orientales, ou ces projets urbains de « parc agrisolaire » où l’on amène quelques moutons brouter les herbes folles sous un parc au sol. L’entrepreneur audois le jure, lui, c’est pour de vrai, avec « des panneaux qui s’adapteront à l’ensoleillement de la vigne ». Une installation imposante, entre 5 et 8 mètres de haut « pour permettre le passage des machines », et des arrêts planifiés de production solaire quinze jours en juin « parce que c’est là que le raisin a besoin de l’exposition maximale ». Ce projet baptisé Treillesol a bénéficié d’un appel d’offre de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour du photovoltaïque innovant qui pourrait en inspirer d’autres.