Bernard Laponche (84 ans) est un ingénieur polytechnicien, physicien de formation. Ancien ingénieur nucléaire au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et conseiller de la ministre de l’Environnement Dominique Voynet, il est désormais consultant international dans les domaines de l’énergie et de l’efficacité énergétique et membre des associations Global Chance et Énergie partagée. Il est depuis les années 1970 un pilier des luttes antinucléaires en France.
Reporterre — Comment êtes-vous entré dans le secteur du nucléaire ?
Bernard Laponche — Je suis né en 1938 à Alençon. J’ai grandi à Marseille et y ai fait mes études avant d’entrer à l’École polytechnique de Paris en 1957. À la fin des deux années d’école, mon professeur de physique, Louis Leprince-Ringuet, m’a conseillé de travailler au service de physique mathématique du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) à Saclay.
J’y suis entré en 1961. On y mettait au point les méthodes de calcul des réacteurs nucléaires, en lien avec des expériences menées à Marcoule puis à Cadarache. Je travaillais dans le groupe, dont j’ai ensuite pris la responsabilité, des réacteurs uranium naturel graphite gaz (UNGG), les premières centrales EDF des années 1960. J’ai terminé cette phase par une thèse de docteur ès sciences sur les propriétés du plutonium.
C’était un travail intéressant. J’étais pronucléaire par profession. J’ignorais totalement ce qui concernait les déchets, la radioactivité, je ne m’étais jamais posé la question des risques. On n’en parlait pas. Il y avait des gens qui travaillaient sur ces questions, mais c’était très compartimenté.
Existait-il une réflexion au CEA sur le nucléaire militaire ?
Charles de Gaulle a pris la décision de fabriquer la bombe atomique dès 1945. Il a créé le CEA à la fois pour le nucléaire civil et le nucléaire militaire. Les premiers réacteurs UNGG et l’usine de retraitement, construits à Marcoule, servaient à produire du plutonium nécessaire à la bombe. Quand la décision de fabriquer la bombe a été officialisée en 1954, le projet avait déjà bien avancé, malgré les réticences de nombreux scientifiques comme Frédéric Joliot-Curie. Les activités militaires étaient concentrées à la Direction des applications militaires (DAM) qui possédait plusieurs centres.