A Bure (Meuse), depuis 2018, certaines activités des gendarmes sont facturées à l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), l’établissement public qui y a installé un laboratoire préparant le futur centre d’enfouissement en couche géologique profonde (Cigéo).
Cette région rurale de l’est de la France est très particulière : c’est là, à côté d’un village lorrain où vivent moins de 100 personnes, que la puissance publique a décidé d’implanter le site qui va stocker à 500 mètres de profondeur les déchets les plus radioactifs des centrales nucléaires françaises. C’est donc là que des habitant·es et des militant·es dénoncent depuis des années la nucléarisation de leur territoire, les dangers de Cigéo et les risques de pollution. Sur place la tension a parfois été forte, une manifestation non déclarée a tourné à l’affrontement en 2018, le bois Lejuc sous lequel l’Andra prévoit de creuser la descenderie de Cigéo a été occupé pendant des mois, des dégradations de biens matériels ont été commise, des tags tracés sur des murs et des routes.
En 2017, l’intrusion de personnes masquées dans l’hôtel qui fait face au laboratoire de l’Andra pour y détruire des verres, du mobilier et mettre le feu à une bouteille d’essence entraîne la mise en place d’un escadron de gendarmes mobiles sur le site du centre de l’agence – et l’ouverture d’une enquête pour « association de malfaiteurs » qui a valu aux anti-Cigéo une hypersurveillance, comme l’avaient révélé Mediapart et Reporterre.
Ces prévenu·es se retrouvent de nouveau devant la justice à partir du 28 novembre, le procureur de la République ayant fait appel de leur jugement rendu l’année dernière.
Pourquoi la gendarmerie facture-t-elle ses services à l’agence des déchets atomiques ? Existe-t-il un risque de privatisation des forces de l’ordre au service du nucléaire ? Pour y voir plus clair, Mediapart a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) afin d’obtenir la convention administrative et financière signée entre l’Andra et la direction générale de la gendarmerie nationale. Celle-ci ne souhaitait pas nous transmettre le document, puisqu’il s’agit d’un « contrat de prestation de services conclu au titre des missions non spécifiques de la gendarmerie », a-t-elle écrit à la Cada, dans un échange de mails qui nous a été transmis : « L’exécution de ce contrat constitue donc une prestation réalisée exclusivement au profit d’un tiers, donc au profit d’intérêts particuliers, et se présentant hors du cadre des missions de service public de la gendarmerie nationale. »
Mais la Cada a estimé que cette convention entrait bien dans le cadre des documents administratifs communicables au public. Si bien que le contrat nous a été envoyé, dans une version partiellement oblitérée (voir la Boîte noire à ce sujet). Nous le publions ci-dessous.