Reporterre — Quels sont les enjeux du One forest summit, qui se tient jusqu’à aujourd’hui à Libreville au Gabon ?
Klervi Le Guenic — Il s’agit plus d’une opération de communication que d’un vrai sommet qui va changer l’avenir des forêts. Ce sommet est organisé par la France et le Gabon, avec trois objectifs : développer les connaissances scientifiques sur les forêts, promouvoir des chaînes de valeur plus durables, et développer des sources de financements innovantes contre la déforestation. Les deux premiers volets nous semblent bienvenus. C’est sur le troisième que le bât blesse.
On n’attend rien de ce sommet, parce qu’on pense qu’il part sur de mauvaises bases. Il va faire la promotion de fausses solutions au lieu de se poser les vraies questions, notamment la question du financement de la déforestation.
Qu’entendent les organisateurs par « sources de financement innovantes contre la déforestation » ?
L’idée, concrètement, est de réfléchir à comment développer les crédits carbone. Le principe, c’est de rémunérer un pays ou une entreprise parce qu’elle a évité une déforestation, ou parce qu’elle a stocké du CO2, notamment en plantant des arbres. On donne une valeur monétaire à un service écosystémique.
Ce n’est pas une bonne idée pour plusieurs raisons. Premièrement, des enquêtes montrent très régulièrement que la déforestation évitée — c’est-à-dire le fait de rémunérer une entreprise qui a permis de préserver des forêts — est inefficace. Les bases de calculs ne sont pas les bonnes. Sans parler du fait qu’il s’agit souvent de projets où les populations locales sont peu impliquées, ou qui mènent à un accaparement des terres. La deuxième option, la plantation d’arbres, permet à des entreprises comme Total de créer des plantations de monoculture en Afrique pour compenser leurs émissions de CO2. C’est tout aussi inefficace : quand on plante un arbre, il met des décennies à stocker du carbone. On n’a pas ce temps-là devant nous.