“Je crois que l’État est très fier de dire aux agriculteurs qu’on va protéger leur outil de travail”. C’est un Gérald Darmanin visiblement satisfait de son dispositif qui s’exprime sans sourcilier face aux caméras ce samedi 25 mars, quelques minutes à peine après l’hélitreuillage d’un blessé en urgence absolue - un trentenaire touché à la tête, toujours aujourd’hui entre la vie et la mort.
Le week-end avait pourtant commencé sur un ton plus joyeux. Dans un champ prêté par un paysan partisan, un immense campement écolo s’était monté dès le vendredi, rassemblant des milliers de personnes venues de partout en Europe et même d’ailleurs pour affirmer leur opposition aux méga-bassines. À Melle, ville voisine, des tables rondes avaient regroupé des militants maliens, italiens ou même kurdes pour animer des débats sur la défense de l’environnement et le partage de l’eau. Un impressionnant défilé de voitures et même de tracteurs avait continué d’affluer jusqu’au samedi matin. Les tentes Quechua et autres camoins aménagés s’étaient agglutinés autour de quelques chapiteaux dressés pour l’occasion. La pluie avait donné au tout un petit air de Woodstock revendicatif.
Cette nouvelle mobilisation, appelée par près de 200 organisations - parmi lesquelles des ONG, associations et partis politiques - s’inscrit dans une longue bataille dans la région. Pour rappel, les méga-bassines sont de gigantesques cratères de plastique qui pompent l’eau dans les nappes phréatiques, la stockant en surface pour l’irrigation des cultures en été. Elles sont accusées par leurs détracteurs de constituer un accaparement de l’eau au profit d’une minorité et d’être néfastes pour les équilibres naturels.
Le samedi, dès le petit matin, sur une tribune bricolée avec un empilement de palettes, les prises de parole se succèdent. Des élus Insoumis et Europe Ecologie Les Verts, des syndicalistes de Solidaires ou de la CGT, des membres d’associations et de divers mouvements de gauche haranguant une foule bigarrée. On y distingue des anciens de Notre Dame des Landes, des paysans de la Confédération Paysanne, des faucheurs d’OGM. Tous parlent d’accaparement des ressources, de privatisation, du désastre écologique en cours. Du passage en force du gouvernement aussi, au lendemain d’une mobilisation historique contre la réforme des retraites qui a vu la France s’embraser une nouvelle fois. On entend le terme de « 49.3 écologique », un militant communiste du coin rappelle que ce combat est celui “contre la logique de mondialisation capitaliste de tout nos systèmes de production”. Le ton est donné.