Trois coupoles gonflées de gaz. Sur un écran, défilent des chiffres rouges. L’unité de méthanisation de la ferme Oudet, dans les Ardennes, a des airs d’observatoire astronomique.
Chaque matin, Antoine Oudet se rend dans l’étable, où soixante-dix vaches laitières mâchent du foin. Puis il va nourrir une autre panse, énorme celle-ci. Le méthaniseur. Lisier, fumier, herbe, patates. « La méthanisation est une suite logique de l’élevage, dit-il. C’est un vrai travail de paysan. »
Depuis douze ans, ce pionnier produit de l’électricité et de la chaleur à partir des déjections de son troupeau. Car un méthaniseur fonctionne comme un système digestif. A partir de matières organiques, il fabrique des gaz, dont du méthane, et un produit humide riche en azote, appelé digestat. Le méthane est ensuite utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur.
A l’autre bout de la France, dans le Morbihan, Jean-Marc Onno élève des porcs. Il consacre en moyenne quarante heures par semaine à son méthaniseur d’une puissance de 350 kilowatts (kW). Mais il ne se plaint pas : « Nous avons pu embaucher, et moi, je gagne mieux ma vie, je suis plus cool dans ma gestion financière. » Grâce à la production de chaleur, il cultive des champignons biologiques, avec une quinzaine de salariés. « Ça nous permet de nous diversifier et de consolider notre activité ».
Pour les agriculteurs, l’intérêt de la méthanisation est triple, résume Julien Thual, de l’Ademe : « Elle valorise les déchets agricoles et les effluents d’élevage, produit un engrais de qualité, et assure un revenu complémentaire via la vente d’électricité ». Cependant, on ne comptait début 2014 en France qu’à peine 150 unités en fonctionnement.
« Environ un tiers des unités n’est pas rentable », explique Jacques Pasquier, de la Confédération paysanne. Car installer un méthaniseur coûte cher. Cuves hermétiques, moteur de cogénération… Entre 6.000 et 9.000 € par kW électrique. Soit plus d’un million d’euros pour un modèle de 200 kW. « Quel paysan peut se payer ça ? », interroge M. Pasquier. Il redoute une financiarisation de l’agriculture, à travers l’arrivée d’entreprises et de capitaux industriels.
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