Les études sur les courants océaniques et le climat sont extrêmement complexes et leurs résultats doivent toujours être pris avec prudence tant les controverses naturelles entre chercheurs sont grandes. Mais bien qu’ils reconnaissent que certains de leurs résultats puissent être contestés, les scientifiques auteurs de la nouvelle étude publiée ce 25 juillet par Nature et validée par des pairs estiment qu’ils sont trop importants pour ne pas être rendus publics. « Si nous avons raison — et nous pensons que c’est le cas —, ce n’est pas aux générations futures de s’en préoccuper« , déclarent-t-il. « Il faut s’en préoccuper dès maintenant« .
A la recherche de signes avant-coureurs
Cette nouvelle recherche s’ajoute à un nombre croissant de travaux scientifiques qui décrivent comment les émissions continues de gaz à effet de serre de l’humanité pourraient déclencher des « points de basculement » climatiques, c’est-à-dire des changements rapides et difficilement réversibles dans l’environnement.
Cette question est particulièrement préoccupante compte tenu des températures extrêmes que nous observons actuellement dans le monde entier, y compris dans l’océan Atlantique lui-même, qui s’écarte considérablement des records antérieurs. Ce 25 juillet, une sonde immergée à une centaine de kilomètres des côtes de Floride a enregistré une température record de l’eau de mer : 38.3°C.
Dans l’Atlantique, les scientifiques ont cherché des signes avant-coureurs d’un changement semblable à un basculement dans un enchevêtrement de courants océaniques : la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique, ou AMOC. Ces courants transportent les eaux chaudes des tropiques à travers le Gulf Stream, en passant par le sud-est des États-Unis, avant de s’incurver vers le nord de l’Europe. Lorsque cette eau libère sa chaleur dans l’air plus au nord, elle devient plus froide et plus dense, ce qui la fait plonger dans les profondeurs de l’océan et revenir vers l’équateur. Cet effet de plongée, ou « renversement », permet aux courants de transférer, comme sur un tapis roulant, d’énormes quantités de chaleur autour de la planète, ce qui leur confère une influence considérable sur le climat autour de l’Atlantique et au-delà.
Cependant, à mesure que l’homme réchauffe l’atmosphère, la fonte de la calotte glaciaire du Groenland ajoute de grandes quantités d’eau douce à l’Atlantique Nord, ce qui pourrait perturber l’équilibre entre la chaleur et la salinité qui maintient le mouvement de retournement. Une partie de l’Atlantique au sud du Groenland s’est refroidie de façon spectaculaire ces dernières années, créant un « blob froid » que certains scientifiques considèrent comme un signe de ralentissement du système.