Bien que « l’absence d’accord sur l’élimination progressive des énergies fossiles » ait été « jusqu’ici dévastatrice », le texte approuvé mercredi « n’est pas vraiment convaincant », juge Michael Mann, climatologue et géophysicien à l’Université de Pennsylvanie.
« C’est comme promettre à son médecin d’abandonner les beignets alors qu’on est diagnostiqué diabétique », résume l’expert auprès de l’AFP, notant que l’accord ne comporte aucune date de sortie des énergies fossiles précise, ni indication sur l’ampleur des mesures à prendre par les pays.
Adopté mercredi par consensus, le texte constitue un compromis imparfait pour de nombreux délégués et ONG. Il n’appelle pas directement à la sortie des énergies fossiles, décevant la centaine de pays qui l’exigeaient, et comporte des failles pour les pays souhaitant poursuivre l’exploitation de leurs réserves d’hydrocarbures.
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« Beaucoup mourront »
L’accord de la 28e conférence sur le climat de l’ONU « est salué comme compromis, mais nous devons être très clairs sur ce qui a été compromis », insiste Friederike Otto, climatologue spécialiste de l’analyse du rôle du changement climatique sur certains phénomènes météorologiques extrêmes.
« Les intérêts financiers à court terme de quelques-uns l’ont à nouveau emporté sur la santé, la vie et les moyens de subsistance de la plupart des habitants de cette planète », fustige-t-elle.
Et de poursuivre : « avec tous ces verbes vagues, ces promesses vides dans le texte final, des millions de personnes de plus se retrouveront en première ligne du changement climatique et beaucoup d’entre elles mourront. »
Un constat accablant partagé par Kevin Anderson, qui enseigne le changement climatique à l’Université de Manchester.
« La physique se moque » des applaudissements des dirigeants, renchérit-il, estimant que le compromis de la COP28 « sonne le glas » de l’objectif +1,5°C.
L’humanité n’a plus qu’entre cinq et huit années, si les émissions restent au niveau actuel, avant de dépasser le « budget carbone » fixé pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5°C depuis le début de l’ère industrielle, l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris.
Et même si les émissions commencent à diminuer en 2024, il faudrait abandonner toutes les énergies fossiles d’ici 2040, pointe M. Anderson, et non d’ici 2050, comme évoqué dans l’accord au sujet de la neutralité carbone, un « élément de langage frauduleux » selon lui.
L’objectif moins ambitieux de +2°C, avec des impacts bien plus graves, s’éloigne lui de plus en plus.